Êtes-vous déjà allé au CES à Las Vegas ? Vous en rêvez - ou pas ? Ou tout simplement vous voulez en avoir l’échos, voir le résumé ?

Et bien Olivier Ezratty est la personne rêvée depuis plusieurs années pour vous/nous proposer la synthèse de cet événement de la tech, de l’innovation, et du gadget.

Je vous invite à télécharger son dernier rapport sur le salon de cette année 2020 qui en près de 366 pages vous fait découvrir ce salon dans ses moindres recoins. 

Pour y être allé début 2016 avec mon associé, puis y avoir envoyé 2 de nos designers début 2019, je peux vous témoigner à quel point le travail d’étude et de synthèse d’Olivier est un véritable tour de force.

Le salons est tellement grand, et le nombre de produit exposé tellement délirant, qu’en faire les tour est impossible pour Monsieur tout le monde. Et s’en faire un idée cristalline au retour, s’avère être une mission impossible.

Le rapport d’Olivier est donc précieux. Et cerise sur le gâteau, il proposait hier au Forum des Images une présentation synthétique de son rapport sur le CES Las Vegas 2020.

Après une présentation rapide des organisateurs (Forum des Images & CAP Digital) et partenaires (Living Things, Systematic & Business France), Olivier a fait le show pendant près de 3 heures avec 2 autres co-animateurs, Fanny Bouton et Dimitri Carbonnelle, et des invités surprise. Merci à eux.

Comme cette présentation sera certainement bientôt disponible en Replay, je ne vais pas donc vous la résumer. Mais je vous propose de prendre ma plume pour vous faire part en synthèse des grands thèmes et tendances développées sur ce salon, les vrais et les faux :

Les 6 “fausses” tendance selon Olivier Ezratty

Après une partie de la présentation consacrée à l'événement dans son ensemble, Olivier a listé un certain nombre de tendances ou de thèmes qui sont “censé” refléter l’actualité de ce salon. Ce que j’ai apprécié dans les propos d’Olivier c’est sa capacité à poser un point de vue “raisonné” (et donc partial) sur ces sujets.

. "Des produits au solutions"

Comme quoi toutes les entreprises feraient disparaître leur produit aux profit de solutions (le plus souvent digitales) = non les produits sont encore bien présents, et peut-être trop car souvent futiles

. Des solutions centrées sur l’humain

Comme quoi toutes les entreprises découvriraient l’humain qui se cache derrière leur produit = non l’humain-client a toujours été dans le viseur des entreprises, et si on voit le verre à moitié plein, ce sont d’autres facettes que l’on découvre : l’utilisateur, l’usager, le citoyen, le patient… - ou si on voit le verre à moitié vide, c’est juste le nouveau “washing” du moment, le “humanwashing” Je penche pour les 2, avec 40% verre plein, et 60 verre vide 😉

. "Tout le monde peut faire de tout"

Comme quoi toutes les entreprises pourraient changer leur modèle au point de faire des produits contre nature de leur ADN. L’exemple avec la voiture de Sony = non, les entreprises tentent juste de démontrer leur valeur produit ou service au travers de nouveaux scénarios et contextes d’usages.

. "Les entreprises traditionnelles se transforment"

Comme quoi toutes les entreprises prendraient à bras le corps la transformation digitale = non, rares sont celles qui se transforment totalement au point d’être à 100% digitales

. "2020 année charnière"

Comme quoi toutes les entreprises n’auraient qu’à bien se tenir, car cette année c’est vraiment l’année charnière = euh, charnière de quoi exactement ? parce que si on y regarde depuis 15 ans les choses (au CES) ne changent pas beaucoup, et rien cette année ne semble prédire ce changement radical.

. "En 2023 on va tous voler en VTOL"

Comme quoi toutes les entreprises pourraient délaisser voitures de fonction et jets privés pour passer en mode abonnement UBER et hélico électrique autonome = on en reparle juste après dans la tendance “checking scientifique”.

Les 5 “vraies” tendance selon… moi (modestement)

Dans la suite de sa présentation, Olivier a présenté des exemples de produits remarquables par leur grand ou petit intérêt, et cartographiés en introduction par un très synthétique quadrant magique : futile / utile vs abordable / inabordable. 

Là encore je vous laisse le soin de regarder le rapport d’Olivier, et vous propose d’en extraire 5 thèmes ou tendances qui m’ont personnellement marqué :

. La gourmandise est dans le Futile

Ou comment on n’ose se laisser tenter et submerger par tant de produits inutiles et ce quelle que soit la catégorie. Rien n’y échappe, ni dans :

  • la santé (le dispositif pour renforcer votre équilibre alimentaire via l’apport de vitamines = le levier de la peur pour vous vendre une machine et une application, qui n’a pas plus de mérite qu’un bon livre sur le sujet et le conseil d’un médecin ou pharmacien), 
  • la cuisine (le distributeur de dose d’huile d’olive congelée = une machine pour reproduire un geste du quotidien sans aucune valeur ajoutée), 
  • Le jardin (la plante connectée avec écran qui vous sourit quand vous l’arrosez = donner une humanité artificielle ou la fausse connivence avec la nature)
  • la mobilité (les smartphone pliants = une innovation technologique sans usage), 
  • le salon (la télé 8K qui doit faire au moins 3m de diagonale = la surenchère technologique pour vous inciter à acheter encore et encore),
  • La maison (la boule robot Samsung qui vous surveille surtout quand vous tournez le dos = bigbrother déguisé en objet tout mignon pour vous faire croire qu’il est votre ami),
  • Les transports (la maquette de drone qui ne volera jamais = comment jeter par la fenêtre tout votre investissement en R&D),

Et j’en oublie…

Mais j’exagère, il y a avait également et fort heureusement de nombreux produits avec une certaine utilité 🙂

. L’absence du Durable

Ou comment on se rend compte que cette forte proportion d’objets inutiles, voir à faible valeur ajoutée, est un terrible gachi d’énergies et de ressources tant matérielles (matériaux, approvisionnement, fabrication, transport), que immatérielles (moyen humains, moyen financiers).

Comme si l’économie circulaire n’avait jamais tenté de passer la porte de ce salon. Peut-être en raison dans sa localisation, à Las Vegas, ville modèle du divertissement, en plein désert, donc bien à l’opposé de ce qu’on pourrait imaginer être une ville “durable”.

Jacques Attali en parlant de la Californie face à ses incendies, se demandait comment des esprits aussi brillants pouvaient se consacrer uniquement et entièrement à des chose aussi futiles ? Comment ne pouvaient-ils pas voir le monde, et ne serait-ce que leur été, leur ville, leur rue, disparaître sous les cendres ?

Et bien j’avais un peu la même impression lors de ma visite au CES en 2016, devant cette absence de recul, de prise de conscience, et de tant de moyens gâchés, alors que nous sommes entourés de causes qui mériteraient toutes notre motivation, nos forces, nos savoirs faire, notre créativité. Apparemment donc, en 2020, le CES continuerait à ne pas voir sa maison qui brûle ?

. L’espoir est dans la Résilience

Ou comment on commence à se poser des questions de produits et solutions locales pour répondre au besoin de ressources vitales (produire de l'électricité, traiter l’eau pour la rendre potable). Voilà l’espoir qui renaît, car effectivement, tous au CES ne détournent pas le regard face à l’incendie. Et chose que je n’avais pas vue en 2016, nombreux sont les produits qui se valorisent autour de la notion de Résilience.

Ce n’est pas une Résilience globale, planétaire et partagée par nos forces politiques et capitalistiques, mais plus modestement celle que notre quotidien révèle chaque jour : celle d’individus qui prennent “seul” le chemin de solutions d’avenir.

Hors cette notion d’individualisme, que l’on critique depuis de nombreuses année comme symptôme majeur de la “décadence de notre société”, révèle ici un autre visage que je considère comme un défi à cette inaction globale.

Que ce soient, un générateur et stockeur d'électricité à capteur solaire mobil et individuel, une serre pour les particuliers ou petites structures (écoles, entreprise, EPAD…) afin de produire leurs fruits et légume en “auto-suffisance”, ou un appareil à traitement des eaux issue de la condensation, tous mettent en avant le caractère local et à petite échelle de leur solution.

Tout comme un individu peut réveiller à lui seul les consciences, j’ai l’espoir que ces petits produits puissent générer, ou aider à générer, une conscience plus globale.

. Le Checking Scientifique nous sauvera

Ou comment on peut (et doit) douter de tout. Une des grandes qualités du travail et de la personnalité d’Olivier, qui a parfaitement transparu dans sa présentation de mercredi, et dont il s’est volontairement fait l’avocat cette année et pour les années à venir, est son état d’esprit d’ingénieur qui n’a de cesse de questionner ce qu’on lui présente.

Non seulement il questionne les usages - voir nos son approche futile / utile, plus haut - mais il questionne aussi et surtout la solution technique.

Et dans un show, une foire, comme le CES, il considère indispensable cette nécessité absolue de “Tech Checker” (comme on ferait du File Checking) les innovations produits, à la manière dont on se doit aujourd'hui de vérifier toutes les informations que l’on reçoit au risque d’être pris au piège des Fake News.

Ce qu’il sous-entend j’ai l’impression c’est que l’on peut tous être facilement victime de “Fake Tech”. Il cite par exemple :

  • les fausse bonnes idées d’innovation pour le batteries, où après étude du sujet, il considère aucune solution technologique comme miraculeuse ;
  • l’IA à toutes les sauces, même si après étude, il s’avère que au mieux on est face à une solution qui met en oeuvre un algorithme ;
  • le “Quantic Washing”, où de nombreux produits arborent le sign prometteur du Quantique pour vendre tout et n’importe quoi,
  • les capteurs en tous genre qui promettent monts et merveille alors qu’il ne fournissent en réalité aucun service tangible,
  • les véhicules volants en maquette dont peut douter de leur capacité physique à voler,
  • Une pomme de terre connecté qui nous permet de comprendre le langage et les émotions de la pomme de terre - Bravo à Nicolas Baldeck, le “Potatoman” pour cette démonstration par l’absurde…

Et à cette activité de checking scientifique qui permet de vérifier la faisabilité d’une innovation, je me permets de lui proposer d’ajouter :

. un checking côté viabilité économique = ce produit a-t-il un marché ? sera-t-il rentable ? viable ?

. un checking côté désirabilité = ce produit répond-il un réel besoin ? Est-ce réellement un solution centrée sur l’humain ?

. un checking côté durabilité = au sens large du terme sur ses dimensions écologiques et sociétales (voir notre livre blanc sur l’innovation durable).

. En attendant, le bonheur est dans le B2B

Ou comment on voit poindre selon moi le véritable point de bascule ; qui est d’abord un signal faible, mais qui pourra devenir grand. Il s’agit du volet “Professionnel” à un salon qui se voulait comme le Show de la Tech Grand-public, et qui vire tout doucement dans un monde moins caricatural.

Un chiffre pour illustrer ce signal faible : contrairement aux autres années, en 2020, la verticale (= le domaine) majoritaire des entreprises de la French Tech présenté au CES est… les produits et service à destination de l’entreprise !

La présence et le lancement d’un nouveau produit phare pour KLAXOON est un très bonne exemple de cette tendance qui va perdurer : au consommateur qui se regarde dans le miroir répond l'entreprise aux origines du produit ou du service.

Et ce au regard des signaux suivants :

. La technologie offre de nouvelles opportunités pour améliorer le quotidien holistique de Monsieur ou Madame tout le monde, tantôt citoyen, tantôt collaborateur ;

. Les startups et les écosystèmes ont bien compris que les leviers de croissance peuvent être trouvés, et rentables surtout, dans le B2B, ce monde du “collaborateur” que l’on découvre ;

. L’explosion du Design (UX/UI, Design Thinking, Design de service, Expérience client ou utilisateur) rend possible ce questionnement du consommateur, et au delà du miroir du collaborateur ;

. En rebond, les entreprises se transforment et se posent les questions de leur avenir et les conséquences sur leurs différents services et BU ;

. Et le rebond n’est pas unique, mais multiple car comme un jeu de Flipper, les réflexions se relancent les unes aux autres, tant côté client que côté entreprise…

 

Et pour l’instant, le rebond ne fait que commencer, car on ne sait pas encore ce que sera notre société de demain, et encore moins l’entreprise de demain. Nous avons tous à s’y consacrer et à en prendre notre part dans son imaginaire, sa proposition et sa réalisation.

Ce n’est pas le CES qui nous en donne chaque année l’image détaillé, mais un simple point de vue, une focale particulière, que Olivier Ezratty nous offre également, à sa manière... et sur laquelle je viens de rebondir 😉

Patrick Avril — CEO  @ Use Design, une agence de design à Paris qui donne vie à des stratégies, des produits digitaux et des services innovants.